Les espèces de poissons grands migrateurs sont des espèces « parapluie » (Simberloff, 1998). En effet,
« Toute aide à la gestion durable de ces espèces ne peut être que profitable pour tous les autres organismes de la biocénose aquatique et pour le milieu concerné ».
Ces espèces sont également bio-intégrateur de la qualité de l’environnement en termes d’accessibilité de l’habitat et de sensibilité à la pollution diffuse et contrairement à la plupart des autres espèces piscicoles, les poissons migrateurs doivent être gérés en considérant une échelle très large intégrant à la fois leur cycle de vie en eau douce et leur cycle de vie en milieu marin.
Dans les années 90, une prise de conscience générale sur la situation des espèces amphihalines, sur leur valeur patrimoniale et sociale et sur la nécessité de gérer ces espèces et leur habitat par grand bassin hydrographique a émergé. Depuis 1994, la gestion des poissons migrateurs s’organise à l’échelle de grands bassins fluviaux tels que le bassin Seine-Normandie. Ceci résulte du décret n°94-157 du 16 février 1994 relatif à la pêche des poissons appartenant aux espèces vivant alternativement dans les eaux douces et les eaux salées, décret dit « amphihalins », codifié dans le Code de l’environnement.
Est ainsi créé pour chaque bassin un Comité de Gestion des Poissons Migrateurs (COGEPOMI) qui a la charge d’établir un Plan de Gestion de Poissons Migrateurs (PLAGEPOMI) sur le territoire qui le concerne. Le PLAGEPOMI est arrêté par le Préfet coordinateur de bassin et fixe tous les 5 ans les modalités de gestion en termes :
De nombreuses orientations relatives aux poissons migrateurs inscrites dans les outils de planification et de cohérence de la politique de l’eau s’appuient sur le PLAGEPOMI. C’est par exemple le cas des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) créés par la loi sur l’eau de 1992 et qui correspondent aujourd’hui aux plans de gestion mentionnés dans la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) de 2000. Avec la DCE, l’Union européenne établit une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Pour le milieu marin, l’UE a également établi un cadre, c’est la Directive Cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) déclinée au niveau français en Plan d’Action pour le Milieu Marin (PAMM).
Devant l’enjeu international que représentent les poissons migrateurs et l’effondrement de certaines populations telles que les populations d’Anguille européenne, des plans de sauvegarde spécifique dépassant les frontières nationales ont également vu le jour. Chaque pays concerné se charge alors d’appliquer les différentes recommandations sur son territoire. C’est par exemple le cas du Plan Anguille. En effet, suite au Règlement anguille européen de 2007, la France a mis en place un plan national de gestion de l’anguille sur trois ans renouvelable (2009-2012 puis 2012-2015 et 2015-2018), qui est amené à être révisé. Deux échelles de travail pour ce plan : une échelle nationale permettant un cadre de travail homogène et une échelle territoriale permettant de décliner le plan au niveau local en fonction des caractéristiques de chaque territoire. La France est ainsi divisée en neuf unités de gestion de l’anguille (UGA) dont celle de Seine-Normandie. L’objectif est d’agir à court terme sur les principaux facteurs de mortalité et ce pour assurer à long terme, conformément au règlement européen, un taux d’échappement vers la mer d’au moins 40 % de la biomasse pristine (biomasse théorique dans l’hypothèse d’une absence de contraintes anthropiques sur le milieu, étant difficilement évaluable la biomasse observée dans les années 80 sert de référence). En parallèle, la qualité environnementale (eau, sédiments, habitats) doit être améliorée pour pérenniser la reconstitution des stocks. Les principaux facteurs de mortalité et de dérangement de l’anguille sont : la pêche, le turbinage pour la production d’hydroélectricité, le braconnage, les pollutions (eau et sédiments) et les pertes d’habitats.
La France a également mis en place un Plan français pour le Saumon qui correspond à la mise en œuvre des recommandations de l’Organisation de Conservation du Saumon de l’Atlantique Nord (OCSAN) ainsi qu’une Stratégie nationale pour la gestion des poissons migrateurs en 2009.
Encore aujourd’hui, le principal défi que doivent relever tous les acteurs impliqués directement ou indirectement dans la gestion des poissons migrateurs à l’échelle nationale ou locale (Etat, DREAL, DDT, DDTM, AFB, Agences de l’Eau, structures de la Pêche Associative, syndicats de rivière …) est la coordination, la communication et l’optimisation des moyens dans la mise en œuvre des « politiques migrateurs ».
En réponse à cette problématique et à la spécificité de la gestion des poissons migrateurs par grand bassin, les collectivités piscicoles ont notamment créé les « associations migrateurs ». Ces structures ont pour missions de coordonner au niveau régional et réaliser certaines actions inscrites dans les PLAGEPOMI telles que les suivis des stations de comptages, les indices d’abondances en juvéniles, la mise en place d’Observatoires et de tableaux de bord «migrateurs »…
Visite guidée de la station de vidéo comptage du Breuil-en-Auge sur la Touques.
Enfin, en milieu marin et estuarien, les connaissances sur les grands migrateurs doivent être améliorées et la gestion renforcée notamment au niveau international car la majorité des outils de gestion actuel ne concernent que les milieux continentaux. Depuis plusieurs années, les taux de survie en mer, en particulier pour le Saumon atlantique semblent diminuer de façon significative.
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